Alexie Ribes

« Sans la culture, l'existence a moins de sens »

Alexie Ribes assiste depuis toute petite aux répétitions de son père et n’a envie que d’une seule chose, rejoindre les comédiens sur scène. Puis, par la force du travail, des rencontres, l’envie se transforme en réalité. Récemment, il y a eu une rencontre avec un texte qui l’a émue. Celui de Elle aura toujours dix ans dans sa tête de Jean-Pierre Brouillaud, mis en scène par Virginie Lemoine. Entre ses souvenirs d’enfance, les thèmes que la pièce traversent et son rôle, elle se confie.

« Sans la culture, l'existence a moins de sens... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

Le théâtre est essentiel depuis toujours car il apporte un regard nouveau ou différent sur le monde, et plus que jamais à notre époque où les réseaux sociaux nous assomment d’informations en continu et de banalités. Le théâtre est une échappatoire à la réalité.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

J’espère que le théâtre de demain prendra encore davantage toute la dimension qu’il mérite au sein de la société, que les barrières qui freinent parfois le public à oser découvrir certains auteurs tombent, que son accessibilité soit possible à tous et surtout aux plus jeunes.

C’est en éduquant les générations futures que notre culture se pérennisera.

Votre définition de la culture ?

La culture et en particulier la nôtre est une richesse inestimable et fondamentale. Elle nous permet de nous souder et de nous comprendre. C’est à mon sens ce qui nous lie et fait de nous un peuple. Sans elle, et on le constate depuis la crise sanitaire que nous vivons, l'existence a moins de sens.

Vos batailles pour la culture ?

Le mot me paraît un peu fort mais disons que je soutiens comme je peux les auteurs et les acteurs que j’aime, que depuis que je suis maman j’essaie d’amener ma petite fille vers une littérature enfantine intelligente, la musique classique et bien sûr dès que les salles seront ouvertes je vais l’emmener au théâtre ! J'essaye de la détourner le plus possible du flux d’écrans qui nous entourent. C’est en éduquant les générations futures que notre culture se pérennisera.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer, choisir le théâtre ?

Se serait mentir en voulant me détacher de mon titre de “fille de” que de dire que ce n’est pas grâce à mon père. J’ai grandi dans les coulisses des théâtres parisiens, l’odeur du velours des sièges, la poussière des halos de projecteurs, la poudre des acteurs, c’est toute mon enfance. J’assistais aux répétitions parfois en m'ennuyant d’ailleurs mais avec une seule envie celle de les rejoindre sur le plateau. 

Une rencontre artistique décisive ?

Je pense que toutes les personnes que j’ai rencontrées sur ma route depuis que je fais ce métier ont été décisives, en bien ou pas, mais grâce à elles je suis celle que je suis aujourd’hui. 

Un personnage fétiche ?

Je rêve secrètement d'incarner Bérénice.

« La pièce évoque toutes les différences et on peut transposer ce que l’on veut... »

Elle aura toujours 10 ans dans sa tête était au départ un monologue placé sous la vision de la femme. Comment s’est déroulé le travail à table autour du texte avec la metteuse en scène Virginie Lemoine ?

Lorsque mon agent m'a fait parvenir la pièce de Jean-Pierre Brouillaud, qu’il lui avait envoyé pour moi pendant le premier confinement, j'ai d'abord été saisi par sa plume et puis bien sûr le sujet autour de l'enfance et du couple me parlait, mais assez vite j’ai ressenti qu'il fallait qu'elle soit incarnée par deux personnages, il fallait que le père s'approprie sa parole. J'en ai parlé à Jean-Pierre et je crois que grâce au regard magnifique et éclairé de Virginie Lemoine et nos nombreux échanges avec l'auteur, la pièce a beaucoup gagné en théâtralité.

La pièce traverse 40 ans de la vie d’un couple. Est-ce une pièce sur la décomposition du couple sur la longévité ? 

On assiste effectivement à un long pan de la vie de ces deux êtres avec leur enfant, leurs moments de doutes, de joies, d'éloignements et de retrouvailles. Rien n’est idéalisé. Ils traversent ensemble et comme ils le peuvent cette vie fragilisée par les problèmes qu’ils rencontrent.

Le thème majeur est la différence. En quoi l’histoire touche à la fois à l’intime et à l’universel ?

Ce qui m’a beaucoup plu dans la pièce après avoir été évidemment bouleversée par l’histoire de cette petite fille touchée par une déficience mentale, c’est qu’en réalité la pièce évoque toutes les différences et on peut transposer ce que l’on veut. Comment faire face au monde, à soi, quand on sort du troupeau.

Cette mère se débat avec toute sa force, met toute sa vitalité et va puiser toute sa joie pour rendre l'existence de sa fille heureuse et sauver son histoire amoureuse...

Comment est abordée la maladie de l’enfant qui va avoir des répercussions dans la vie du couple et des effets collatéraux ? 

La "maladie" d’Elsa est traitée avec beaucoup de finesse, car ce mal dont elle souffre n’est pas défini. Elle est différente c’est tout et c’est bien mieux pour nous acteurs et pour le public. Il n’y a pas de clichés. 

Comment décririez-vous votre personnage ? Et celui du père dont les réactions sont aux antipodes de celles de la mère ?

C’est un cadeau pour une comédienne que de jouer un rôle aussi fort. C’est un rôle tragique ! Cette mère se débat avec toute sa force, met toute sa vitalité et va puiser toute sa joie pour rendre l'existence de sa fille heureuse et sauver son histoire amoureuse au détriment de sa personne. Elle est magnifique de combativité, mais n’écoute sûrement pas assez sa douleur. Le père lui est plus abattu par cette vague qui les submerge mais il tient et malgré son apparente fragilité c’est un roc pour sa fille et sa femme. 

Y a-t-il une place pour l’humour dans ce drame familial ?

Mais c’est l’humour qui les sauve ! L’humour sauve de tout. L’humour est salvateur ! Grâce à leur fille, leur monde est sans cesse réinventé, égayé par son regard décalé ! On rit beaucoup.

Selon vous, est-ce facile pour des parents trentenaires de gérer la différence ?

Chacun gère et fait comme il peut au milieu d'une tempête. Il est vrai qu'aujourd'hui le droit à la différence est beaucoup mis en avant, alors peut-être que cette génération est plus habituée à être tolérante même si le texte dénonce aussi l’isolement social dans lequel sont plongés ces parents.

Aimez-vous le travail collectif dans le développement des projets ?

J’ai adoré faire ce travail à la table avec Virginie. L'auteur nous a laissé une grande liberté, nous avons donc mis notre "pâte" à certains endroits. Mais tout s'est toujours fait dans le respect et le plaisir.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille sur d'autres projets qui j’espère verront le jour mais le projet le plus proche et concret est la tournée à l’automne du Muguet de Noël, comédie de Sébastien Blanc et Nicolas Poiret mise en scène par Jean-Luc Moreau que nous avons jouée au théâtre Montparnasse quelques semaines avant le confinement.

« J'adore cette citation de Rousseau... »

Une confidence ?

Je suis bourrée de tocs avant d'entrer en scène. Mais je me soigne ! 

Un acte de résistance ?

Du bio, du bio, du bio. 

Un signe particulier ?

Grâce à ma mère canadienne, j’ai hérité d'une double nationalité, je parle anglais couramment et sans accent français, c’est un énorme plus !

Un message personnel ?

“La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes ; elle se montre sans peine quand on en a.” J'adore cette citation de Rousseau. 

Un talent à suivre ?

Paul Mirabel !

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis là par facilité.

« Avec... »

...Shakespeare, j’ai découvert les grands textes.
...Oscar Wilde et ses aphorismes, j'ai compris le sens des choses de la vie. 
...le peintre Jean Cortot, j'ai appris à aimer la poésie.
...Molière, j’ai décidé que moi aussi je pourrais jouer Célimène ! 
...Jacques Demy, dont les films ont bercé mon enfance, j’ai rencontré le cinéma musical.
...mon père, j’ai commis mes premiers pas sur scène.
...Madame Butterfly de Puccini, j’ai goûté au sublime.

« Mon message au public... »

Vivement qu’on se retrouve ! On se manque !

Publié le
11
.
05
.
2021
Par Jérôme Réveillère

Alexie Ribes assiste depuis toute petite aux répétitions de son père et n’a envie que d’une seule chose, rejoindre les comédiens sur scène. Puis, par la force du travail, des rencontres, l’envie se transforme en réalité. Récemment, il y a eu une rencontre avec un texte qui l’a émue. Celui de Elle aura toujours dix ans dans sa tête de Jean-Pierre Brouillaud, mis en scène par Virginie Lemoine. Entre ses souvenirs d’enfance, les thèmes que la pièce traversent et son rôle, elle se confie.

Photo © Céline Nieszawer

« Sans la culture, l'existence a moins de sens... »

En quoi le théâtre est-il essentiel aujourd’hui ?

Le théâtre est essentiel depuis toujours car il apporte un regard nouveau ou différent sur le monde, et plus que jamais à notre époque où les réseaux sociaux nous assomment d’informations en continu et de banalités. Le théâtre est une échappatoire à la réalité.

Comment voyez-vous le théâtre demain ?

J’espère que le théâtre de demain prendra encore davantage toute la dimension qu’il mérite au sein de la société, que les barrières qui freinent parfois le public à oser découvrir certains auteurs tombent, que son accessibilité soit possible à tous et surtout aux plus jeunes.

C’est en éduquant les générations futures que notre culture se pérennisera.

Votre définition de la culture ?

La culture et en particulier la nôtre est une richesse inestimable et fondamentale. Elle nous permet de nous souder et de nous comprendre. C’est à mon sens ce qui nous lie et fait de nous un peuple. Sans elle, et on le constate depuis la crise sanitaire que nous vivons, l'existence a moins de sens.

Vos batailles pour la culture ?

Le mot me paraît un peu fort mais disons que je soutiens comme je peux les auteurs et les acteurs que j’aime, que depuis que je suis maman j’essaie d’amener ma petite fille vers une littérature enfantine intelligente, la musique classique et bien sûr dès que les salles seront ouvertes je vais l’emmener au théâtre ! J'essaye de la détourner le plus possible du flux d’écrans qui nous entourent. C’est en éduquant les générations futures que notre culture se pérennisera.

Qu'est-ce qui vous a fait aimer, choisir le théâtre ?

Se serait mentir en voulant me détacher de mon titre de “fille de” que de dire que ce n’est pas grâce à mon père. J’ai grandi dans les coulisses des théâtres parisiens, l’odeur du velours des sièges, la poussière des halos de projecteurs, la poudre des acteurs, c’est toute mon enfance. J’assistais aux répétitions parfois en m'ennuyant d’ailleurs mais avec une seule envie celle de les rejoindre sur le plateau. 

Une rencontre artistique décisive ?

Je pense que toutes les personnes que j’ai rencontrées sur ma route depuis que je fais ce métier ont été décisives, en bien ou pas, mais grâce à elles je suis celle que je suis aujourd’hui. 

Un personnage fétiche ?

Je rêve secrètement d'incarner Bérénice.

« La pièce évoque toutes les différences et on peut transposer ce que l’on veut... »

Elle aura toujours 10 ans dans sa tête était au départ un monologue placé sous la vision de la femme. Comment s’est déroulé le travail à table autour du texte avec la metteuse en scène Virginie Lemoine ?

Lorsque mon agent m'a fait parvenir la pièce de Jean-Pierre Brouillaud, qu’il lui avait envoyé pour moi pendant le premier confinement, j'ai d'abord été saisi par sa plume et puis bien sûr le sujet autour de l'enfance et du couple me parlait, mais assez vite j’ai ressenti qu'il fallait qu'elle soit incarnée par deux personnages, il fallait que le père s'approprie sa parole. J'en ai parlé à Jean-Pierre et je crois que grâce au regard magnifique et éclairé de Virginie Lemoine et nos nombreux échanges avec l'auteur, la pièce a beaucoup gagné en théâtralité.

La pièce traverse 40 ans de la vie d’un couple. Est-ce une pièce sur la décomposition du couple sur la longévité ? 

On assiste effectivement à un long pan de la vie de ces deux êtres avec leur enfant, leurs moments de doutes, de joies, d'éloignements et de retrouvailles. Rien n’est idéalisé. Ils traversent ensemble et comme ils le peuvent cette vie fragilisée par les problèmes qu’ils rencontrent.

Le thème majeur est la différence. En quoi l’histoire touche à la fois à l’intime et à l’universel ?

Ce qui m’a beaucoup plu dans la pièce après avoir été évidemment bouleversée par l’histoire de cette petite fille touchée par une déficience mentale, c’est qu’en réalité la pièce évoque toutes les différences et on peut transposer ce que l’on veut. Comment faire face au monde, à soi, quand on sort du troupeau.

Cette mère se débat avec toute sa force, met toute sa vitalité et va puiser toute sa joie pour rendre l'existence de sa fille heureuse et sauver son histoire amoureuse...

Comment est abordée la maladie de l’enfant qui va avoir des répercussions dans la vie du couple et des effets collatéraux ? 

La "maladie" d’Elsa est traitée avec beaucoup de finesse, car ce mal dont elle souffre n’est pas défini. Elle est différente c’est tout et c’est bien mieux pour nous acteurs et pour le public. Il n’y a pas de clichés. 

Comment décririez-vous votre personnage ? Et celui du père dont les réactions sont aux antipodes de celles de la mère ?

C’est un cadeau pour une comédienne que de jouer un rôle aussi fort. C’est un rôle tragique ! Cette mère se débat avec toute sa force, met toute sa vitalité et va puiser toute sa joie pour rendre l'existence de sa fille heureuse et sauver son histoire amoureuse au détriment de sa personne. Elle est magnifique de combativité, mais n’écoute sûrement pas assez sa douleur. Le père lui est plus abattu par cette vague qui les submerge mais il tient et malgré son apparente fragilité c’est un roc pour sa fille et sa femme. 

Y a-t-il une place pour l’humour dans ce drame familial ?

Mais c’est l’humour qui les sauve ! L’humour sauve de tout. L’humour est salvateur ! Grâce à leur fille, leur monde est sans cesse réinventé, égayé par son regard décalé ! On rit beaucoup.

Selon vous, est-ce facile pour des parents trentenaires de gérer la différence ?

Chacun gère et fait comme il peut au milieu d'une tempête. Il est vrai qu'aujourd'hui le droit à la différence est beaucoup mis en avant, alors peut-être que cette génération est plus habituée à être tolérante même si le texte dénonce aussi l’isolement social dans lequel sont plongés ces parents.

Aimez-vous le travail collectif dans le développement des projets ?

J’ai adoré faire ce travail à la table avec Virginie. L'auteur nous a laissé une grande liberté, nous avons donc mis notre "pâte" à certains endroits. Mais tout s'est toujours fait dans le respect et le plaisir.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille sur d'autres projets qui j’espère verront le jour mais le projet le plus proche et concret est la tournée à l’automne du Muguet de Noël, comédie de Sébastien Blanc et Nicolas Poiret mise en scène par Jean-Luc Moreau que nous avons jouée au théâtre Montparnasse quelques semaines avant le confinement.

« J'adore cette citation de Rousseau... »

Une confidence ?

Je suis bourrée de tocs avant d'entrer en scène. Mais je me soigne ! 

Un acte de résistance ?

Du bio, du bio, du bio. 

Un signe particulier ?

Grâce à ma mère canadienne, j’ai hérité d'une double nationalité, je parle anglais couramment et sans accent français, c’est un énorme plus !

Un message personnel ?

“La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes ; elle se montre sans peine quand on en a.” J'adore cette citation de Rousseau. 

Un talent à suivre ?

Paul Mirabel !

Ce que vous n’aimeriez pas que l’on dise de vous ?

Que je suis là par facilité.

« Avec... »

...Shakespeare, j’ai découvert les grands textes.
...Oscar Wilde et ses aphorismes, j'ai compris le sens des choses de la vie. 
...le peintre Jean Cortot, j'ai appris à aimer la poésie.
...Molière, j’ai décidé que moi aussi je pourrais jouer Célimène ! 
...Jacques Demy, dont les films ont bercé mon enfance, j’ai rencontré le cinéma musical.
...mon père, j’ai commis mes premiers pas sur scène.
...Madame Butterfly de Puccini, j’ai goûté au sublime.

« Mon message au public... »

Vivement qu’on se retrouve ! On se manque !